Une Polonia hors sol?
Malgré la pause annoncé, les réactions qui me sont parvenues depuis ma dernière note d’information Pölonia m’imposent d’apporter quelques éclaircissements … à débattre comme toujours…
Une Polonia hors sol ?
Quand on crée et anime un site ou un blog, régulièrement, sérieusement, on s’expose forcément, on prend le risque d’être critiqué, interpelé. Pour ma part, j’assume ce risque et je me suis engagé à ne jamais censurer les réactions, à ne jamais bloquer un commentaire. Ce que j’’ai fait. Et ceux qui m’ont un peu connu dans mes activités culturelles, politiques, syndicales, savent que même si je m’étais fait « démolir », j’airais publié.
J’observe d’autre part que mon blog doit être à peu près le seul dans la Polonia de France qui aborde tous les sujets, avec une réelle ouverture d’esprit. Respect des valeurs universelles, honnêteté intellectuelle, démocratie. J’ai présenté des sites qui étaient complètement ignorés par la majorité des responsables connus de la Polonia. J’ai osé publier des « brèves », objectives (extraits de « Le monde » ou autres médias libres), sur la situation politique en Pologne, sur l’actualité en particulier quand il s’agissait de démocratie et d’Europe.
A l’évidence, cela dérange. Mais comme j’ai fait mienne cette citation de René Char : « Celui qui vient au monde pour ne rien déranger ne mérite ni égard ni patience », je poursuis ma route.
Il faut bien reconnaître que la Polonia de France, du moins celle que je connais le mieux, est d’une frilosité surprenante, avec un conservatisme dominant bien figé. Au nom de la neutralité qui serait la garantie de la survie, on se sclérose dans les associations en se limitant à la conservation du passé, à la fête, aux banquets, au folklore, à la consommation. Surtout pas de réflexion. Surtout pas de pensée.
Je repense à la réaction d’un ponte de la Polonia alors que j’évoquais la possibilité, à l’occasion du centenaire, de débats sur l’immigration en général. Janine Ponty m’avait fortement suggéré d’effectuer un travail de comparaison de la scolarisation des enfants d’immigrés polonais et italiens de la 3ème génération. Il y aurait eu bien d’autres thèmes possibles pour aider à « faire société ». « Ouh la la, ah non ! Surtout pas ». Des amis m’ont expliqué que, dans leurs associations, il était quasiment interdit d’aborder certains sujets politiques ou sociétaux de crainte de faire ressurgir les divisions. Il apparait ainsi que le pain et les jeux, la consommation et la distraction, sont plus importants que l’intelligence, la pensée, la réflexion, la connaissance.
Cela n’a pourtant pas toujours été le cas dans l’histoire contemporaine. On sait bien que dans la période communiste, la majorité de la Polonia a affiché un anticommunisme devenu viscéral, entretenu par Narodowiec et par le clergé, qui s’est mis en lumière avec le soutien à Solidarnosc. Par contre, il est évident que le silence s’est imposé quand le PIS, ultra conservateur, nationaliste populiste, a accédé au pouvoir. Certes, comme je l’ai déclaré à plusieurs reprises, il n’appartient pas aux Français, même descendants d’immigrés de s’immiscer dans les affaires intérieures de la Pologne, mais nous sommes aussi , comme les Polonais, citoyens européens et nous avons le droit de nous intéresser à la place de la Pologne dans l’Europe, par exemple aux raisons qui ont fait que l’Europe a gelé des crédits considérables prévus pour le développement de la Pologne. Le nouveau premier ministre, Donald Rusk, pro-européen s’évertue depuis son élection à récupérer ces crédits (137 milliards d’euros) en s’engageant à respecter les textes fondamentaux mis en œuvre dans la plupart des pays démocratiques modernes, comme ceux relatifs aux droits des femmes ou à l’indépendance de la justice.
Au nom d’une neutralité mécaniquement appauvrissante, la Polonia semble faire le choix d’être hors sol, indifférente aux problèmes du monde et de société, euphorique dans ses fêtes et cérémonies traditionnelles, apparaissant parfois, dans certaines villes minières, comme des « réserves de polaks », celles là même qui font sourire la jeunesse polonaise en pensant à leurs ancêtres. Image émouvante sur la page d’accueil du site du CPDHF, rassemblant un club du 3ème ou du 4ème âge en costume folklorique, sur et autour d’un chariot semblable à ceux des westerns. Image très significative !
Alors, je le reconnais, je n’ai pas pris le temps de signaler la part des Polonais sur « l’Affiche rouge » des nazis assassinant Manouchian et ses camarades.
Je ne sais pas si d’autres y ont pensé sur d’autres sites ou blogs de la Polonia, mais j’en doute. Hélas ! Car je parle souvent de la fierté d’être d’origine polonaise, on peut être fier aussi de ceux qui sont morts pour la France et pour la liberté.
Le 23/02/2024
Pierre Frackowiak