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Les semaines commerciales "polonaises", un atout?

Kamien n°15

Les semaines commerciales «polonaises », un atout ?

Conjuguer économie et culture

C’est un fait : les semaines commerciales « polonaises », les marchés « polonais », se multiplient, se généralisent, organisés par les chaînes commerciales ou par les associations polonaises locales en accord avec les municipalités. Elles ont généralement un succès qui conduit les directeurs des grandes surfaces à les reconduire chaque année. C’est un phénomène d’autant plus intéressant à étudier pour les responsables des associations polonaises locales et pour ceux qui peuvent les influencer, que ces moments peuvent être des occasions « en or » pour promouvoir la polonité, la culture polonaise contemporaine, les relations entre la France et la Pologne.

L’exemple que j’analyse ci-après n’est qu’un exemple. Il me semble important de le mettre en débat, de le comparer à d’autres, d’en faire un objet de réflexion collective avec l’ambition de contribuer à la construction de la Polonia du futur.

La semaine polonaise organisée par l’Aushopping de Noyelles, en 2022, en partenariat avec le Collectif Polonia des Hauts de France, sur la zone commerciale d’Auchan, a connu un succès qui a dépassé les prévisions les plus optimistes

De nombreux stands d’artisans, de commerçants, d’artistes, dont plusieurs étaient  venus de Pologne, des spectacles. Des jeux et concours. des stars et personnalités. La foule s’est pressée devant l’espace scénique à chaque animation ou spectacle. On estime à plus de 70 000 le nombre de visiteurs, d’acheteurs, de consommateurs, de curieux qui ont profité du programme préparé par le Collectif Polonia [1].

La réussite commerciale est considérable, incontestée, tant au niveau de la vente des produits polonais, qu’au niveau du taux d’occupation des restaurants, dont la Maison Tomasz (cuisine polonaise) L’ambiance familiale, multi ethnique, intergénérationnelle, a été très appréciée. Les médias régionaux n’ont pas manqué de le souligner. La participation de trois footballeurs professionnels polonais (du RC Lens) au jury d’un concours de pâtisserie a été particulièrement médiatisée.

Bien au-delà de l’aspect strictement économique, commercial, qui s’impose dans tous les marchés polonais ou semaines polonaises, d’autres observations s’imposent.

La semaine polonaise intègre cinq liens  qui  permettent  d’envisager l’avenir de la Polonia avec un autre regard, en évitant qu’avec le temps, il ne reste de notre histoire que des monuments aux morts, des plaques commémoratives, des fêtes et de la nostalgie pour les plus anciens.

  • Le lien entre culture et économie
  • Le lien entre consommation et expression artistique
  • Le lien entre le passé, le présent et le futur
  • Le lien entre des origines ethniques, culturelles, sociales, différentes
  • Le lien entre les générations

En accord avec l’Aushopping, à l’initiative de Sylviane Kowalczyk [2], la prochaine semaine polonaise qui aura lieu en novembre 2023, s’appuiera sur les travaux d’une Cellule Artistique animée par Anne-Marie Wisniewski [3].

Au niveau du Collectif Polonia des Hauts de France, une réflexion plus globale devrait être engagée pour aider, conseiller, accompagner les projets de semaines commerciales ou de marchés polonais, portés par des entreprises commerciales ou par des collectivités. Nous verrons si de telles idées concrètes pourront faire leur chemin et si les organisateurs de ces manifestations peuvent coopérer, s’associer, porter des thématiques communes, échanger expositions, spectacles, ateliers…

A vos claviers ! Pour réfléchir, contester, critiquer… et proposer !

 

Le 22/03/2023                                               Pierre Frackowiak

 

 

[1] Et si l’on pouvait, à chaque fois, ajouter une rencontre –dialogue avec un auteur, une présentation-débat d’un livre, un exposé –discussion avec un historien, etc… dans une cellule commerciale vide et tranquille ou dans un espace dédié… Alors, l’objection que l’on m’adresse sans relâche qu’il n’y a guère de place dans la célébration du centenaire pour la pensée, pour la réflexion,  pour les valeurs, pourrait peut-être s’atténuer.

[2] Vice-présidente du Collectif Polonia des Hauts de France

[3] Professeur des écoles. Auteure d’un livre remarquable, complètement bilingue (très original !) : « La petite princesse polonaise », magnifiquement illustré par Johanna Swiatek  (avec une cédille au a , comme dans Frackowiak !), publié par les éditions NordAvril  en avril 2019. www.nordavril.com

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Recherche des micro-biographies de nos ancêtres, wybitne Polacy

Mój kamień. Numéro 14 .

 

A la recherche des micro-biographies de nos ancêtres

On sait qu’au-delà des dîners dansants et des rassemblements divers aux goûts et aux rythmes polonais, sans autre consistance, la célébration du centenaire de l’immigration massive des Polonais en France a permis d’évoquer la vie des premiers immigrés après la guerre 14/18, nos grands-parents pour un grand-nombre d’entre nous.

Comment leur rendre hommage, trouver les moyens de les honorer, profiter des découvertes pour alimenter la réflexion collective sur l’apport de nos ancêtres, sur leur place dans la société ? Comment faire pour que les archives soient facilement accessibles, disponibles, servent à autre chose qu’à être enfermées dans le fond des placards des services spécialisés, comme si on enterrait nos anciens une seconde fois ? Comment faire pour qu’elles servent à autre chose qu’à des recherches universitaires, ce qui est intéressant, indispensable, mais qui reste  hors du champ de l’éducation populaire ?

Notre ami René Zalisz, ingénieur chimiste et chercheur, retraité, vice-président de l’association des anciens élèves de l’institution Saint Casimir de Vaudricourt, dont le site internet est passionnant[1], a trouvé une belle idée en se fixant deux objectifs

Honorer la mémoire de nos aIeux

Chacun d’entre nous est appelé à rédiger de son côté et rapidement (avant le 31 mars 2023) quelques lignes sur nos anciens (nasze diziady). Ces pionniers ont tout quitté là-bas en Pologne ou en Westphalie pour s’installer en France, il y a cent ans, suite à la signature de la convention Franco Polonaise du 3 septembre 1919. Il s’agit de soumettre des centaines voire des milliers de micro-biographies de nos anciens à la Fondation polonaise Polskie Godło promocyjne Teraz Polska, chargée d’attribuer chaque année la distinction de Polonais Remarquable en France. En fin d’année 2023, on pourrait  décerner à l’Ambassade de Pologne, à Paris, à titre collectif, à l’ensemble de nos aïeux, le titre spécial et exceptionnel de Polonais Remarquables, Wybitne Polacy à tous ces Polaks méconnus, des gens simples, ordinaires, discrets, modestes, qui ont contribué à faire de la France ce qu’elle est, et à faire de nous ce que nous sommes.

René Zalisz a préparé un appel et une fiche questionnaire très simple (sans obligation de réponses à toutes les questions) que l’on peut obtenir en lui envoyant un message. Son adresse figure au bas de ce texte. Attention, date limite 31 mars.

Créer une base de données numérique, accessible à tous

Elle pourrait être hébergée par le site https://notrepolonia.com , sous réserve de l’accord de son fondateur Michel Zerkowski qui a accompli, avec quelques amis, un immense travail de collecte d’archives numérisées. Ainsi l’appel de René Zalisz, que sa démarche soit couronnée de succès ou non, rien ne serait perdu. Mieux, d’autres amis pourraient exploiter cette base pour créer un annuaire, avec un classement permettant des recherches rapides. Un annuaire numérique évidemment, mais pourquoi pas un annuaire / papier à très bas coût à conserver pour les descendants avec les livrets de famille des anciens ?

J’apporte mon soutien à la démarche courageuse de René Zalisz. Il ne demande pas d’argent, pas de cotisation, pas d’engagement. Son travail est totalement bénévole, sans recherche de distinction. Il ne met personne en difficulté[2]. Il considère que la grande majorité des immigrés polonais sont de Wybitne Polacy. Gloire à nos anciens[3].

Le 17/03/2023                                                                       Pierre Frackowiak

 

 

 

[2] Personne en difficulté. Ni les élus locaux sollicités pour créer des monuments à la gloire des Polonais en oubliant qu’il faudrait le faire également  pour d’autres vagues migratoires. Ni les institutions sollicitées pour remettre des médailles individuelles à des milliers  de Polonais, ce qui imposerait forcément des choix et de l’injustice. Ni les descendants des premiers immigrés dont les aïeux étaient souvent des « taiseux » qui refusaient les honneurs, ne racontaient que bien peu de choses de leur passé et ne gardaient quasiment rien (hélas)  pour la postérité.

[3] Pensées inévitables et émues, en fin d’un tel texte, pour mon dziadzia et ma babusia.

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Pour un Centre Culturel de la Polonia de France

Mój kamień. Numéro 13

Pour un Centre Culturel de la Polonia de France. CCPF

Le CCPF pourrait être un très important site mémoriel et culturel qui trouverait sa place dans le réseau des grandes entreprises culturelles régionales : Louvre-Lens, Centre Historique Minier de Lewarde, Archéodrome de Râches, Musées de Douai, Arras, Lille, Site du 9/9bs de Oignies, inclus dans le bassin minier inscrit au patrimoine de l’UNESCO qu’il pourrait être  appelé à valoriser.

L’idée avait été évoquée il y a quelques années, et abandonnée, faute d’un consensus au sein de la Polonia tellement divisée. Elle a ressurgi à l’occasion de la célébration du centenaire de l’immigration massive des Polonais en France et notamment, dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais où les traces de son histoire sont toujours visibles et la vitalité des associations demeure très importante. Il est vrai que cette célébration est une opportunité que tous ceux qui s’intéressent à la polonité n’ont pas le droit de rater.

J’ai expliqué dans de nombreux écrits antérieurs que le site de Dourges s’impose en raison de sa situation géographique incomparable, au cœur du bassin minier, à un carrefour autoroutier européen, avec un patrimoine spécifique exceptionnel

Site multipolaire

  • Dourges (église polonaise, presbytère, jardin, salles, cité minière…)
  • Oignies (église polonaise, site du 9/9bis)
  • Hénin Beaumont (salle de spectacles, complexe cinématographique)
  • Courrières (salle de spectacles)

Centre mémoriel

  • Patrimoine bâti. UNESCO
  • Musée. Exposition permanente
  • Expositions temporaires, artistiques, historiques, incluant la possibilité pour les associations locales d’y installer des présentations de leur histoire avec des animations, profitant des moyens de communication mis en place
  • Club d’histoire de l’immigration polonaise

Centre de ressources

  • Antennes : agence de voyages, bureau consulat, chambre de commerce
  • Permanences hebdomadaires ou mensuelles
  • Siège du Collectif Polonia HdeF
  • Point de départ de visites ou de voyages
  • Espace de stockage d’expositions à mettre en circulation

Espace commercial

  • Restaurant, boutiques, librairie

Espace culturel

  • Spectacles et concerts (programmation annuelle)
    • Artistes et groupes d’origine polonaise en France
    • Artistes et groupes de Pologne et d’autres diasporas polonaises du monde
  • Festivals (Folklore, chorales, cinéma)
  • Conférences débats
  • Résidences d’artistes
  • Apprentissage de la langue polonaise
  • Stages d’activités artistiques

L’idée est séduisante. Elle rappelle l’existence de projets comparables, pour les diverses diasporas dans le monde. Par exemple, dans la région des Hauts de France, l’Institut du monde arable à Roubaix qui réussit à intéresser les grands médias et qui a su s’ouvrir à des publics qui n’ont aucun lien avec les immigrations concernées, évitant ainsi un entre-soi sclérosant et prenant une dimension culturelle universelle.

Que manque-t-il donc pour que le rendez-vous du centenaire ne soit pas raté ?

  • Une base-support forte, représentative, crédible, influente. Le Collectif Polonia des Hauts de France, dont le siège est à Dourges, pourrait l’être s’il se renforçait largement. Le CA actuel composé de 8 membres (7 de l’arrondissement de Lens, un de Longueau-Amiens) doit s’élargir nettement, s’ouvrant aux associations qui portent déjà des réalisations très importantes dans le domaine de la mémoire, de la région et toute la France, les moyens de communication actuels permettant le télétravail, les échanges, les réflexions collectives
  • Un site internet vivant, largement ouvert, clairement conçu pour être l’outil principal du projet. Le site actuel étant à reconstruire complètement, avec une exigence de suivi  quasi quotidien de l’actualité, une ouverture aux débats garantissant la mobilisation de l’intelligence collective sans exclusive
  • Un comité de soutien composé d’universitaires, d’experts, d’écrivains, d’artistes, d’élus, de chefs d’entreprises, appelé à devenir le conseil scientifique de l’opération
  • Une étude de faisabilité par un cabinet spécialisé. Ce type d’étude est coûteux. Pour obtenir les financements nécessaires, il faut que le projet soit lisible (de quoi s’agit-il ?) et crédible, ne serait-ce qu’avec un programme de préfiguration publié.
  • La mobilisation de la base support et du comité de soutien pour concevoir un programme culturel annuel de préfiguration, à réaliser sans attendre les phases de mise en œuvre du projet, comme cela a été réalisé par des bénévoles pour tous les projets comparables pour justifier la pertinence du projet
  • La recherche des financements (Etat, voire Europe, Région, Départements, communautés de communes, entreprises…) ce qui exige la crédibilité du projet et la mobilisation des acteurs de terrain

Si l’on veut vraiment construire l’avenir de la Polonia, il est urgent de s’y mettre.

Sans doute, ce programme est-il ambitieux. Mais la Polonia le mérite bien !

Le 13/03/2023                                                                       Pierre Frackowiak

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Concours de citations. Suite.

Concours de citations. Suite.

Mon « kamien » précédent provoque (c’est aussi le but !) de nombreux commentaires directement sur mon adresse mail. Mes correspondants ont raison. J’aurais du distinguer clairement les citations sur la Pologne et les Polonais, les citations d’émigrés à propos de leurs racines, les dictons et proverbes. Vous pouvez tout envoyer sur le blog, le moment viendra où je ferai le tri et réfléchirai aux possibilités d’exploitation de ces « trésors »

Je profite de cet intermède pour vous informer que le nombre de visiteurs ne cesse de croître et que la moyenne des textes vus par les lecteurs à chaque visite ne baisse pas encore : 2,74 textes par lecteur en moyenne depuis l’ouverture de ce blog, ce qui est très encourageant. Merci à tous ceux qui diffusent les textes et les liens directs, en particulier les sites qui disposent eux-mêmes d’un grand nombre de lecteurs, quotidiens pour certains.

Notre ami René Zalisz m’envoie des commentaires sur lesquels je reviendrai prochainement. Mais dès aujourd’hui, j’en diffuse un extrait :

« Voici enfin en Polonais ces premiers vers de Pan Tadeusz de Mickiewicz :

Litwo! Ojczyzno moja!

ty jesteś jak zdrowie.

Ile cię trzeba cenić, ten tylko się dowie,

Kto cię stracił.

Dziś piękność twą w całej ozdobie

Widzę i opisuję, bo tęsknię po tobie.

Et Leur traduction en Français par V Gasztowtt en 1899

Patrie ! Il est de toi comme de la santé.

Pour savoir tout ton prix, pour sentir ta beauté,

Il faut t'avoir perdue.

Aussi je puis décrire

Tes charmes, aujourd'hui qu'après

Toi je soupire.

Evidemment, comme toujours dans ce blog très ouvert, tout se discute, tout est objet de réflexion :

  • La traduction Litwo / Patrie
  • La compréhension des états d’âme des émigrés de première génération
  • De la nostalgie à la réflexion et à l’action
  • La persistance du lien avec la Pologne pour les nouvelles générations

A suivre…

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Concours de citations

 

Mój kamień. Numéro 12 .

Concours de citations

L’invention du nouveau

Jean-Luc Sochacki, dont j’ai présenté deux livres sur ce blog, s’est fait plaisir à inclure dans son site, très intéressant, un chapitre consacré à des citations qui font réfléchir, dont une, très belle, de Janusz Korczak sur l’enfance. A voir sur www.sochacki.edu.pl

Je ne vais pas le concurrencer. Je suis de ceux qui pensent qu’il est inutile de faire sur un site ou dans un blog ce que d’autres font mieux que nous. Mais il me donne l’envie de faire, d’une certaine manière, une pause entre deux kamienie, pour lancer un petit concours.

Qui trouvera de belles citations sur l’immigration, sur la Pologne et la Polonia, sur l’invention du nouveau appliquée à notre histoire ? Et bravo anticipé à ceux qui en trouveront  en polonais, avec traduction !

Je les publierai toutes et je verrai bien si l’on peut  en faire quelque chose d’utile sur des sites amis.

En attendant les vôtres, en voici 4 que j’adore et que j’utilise souvent dans mes écrits et mes discours :

Jacques Toubon, président de la Cité Nationale de l’histoire de l’immigration : « L’histoire de l’immigration n’est pas l’histoire des immigrés en France mais bien celle de tous les Français »

Edgar Morin, sociologue, spécialiste de la complexité humaine (complexe = ce qui est tissé ensemble) : « la question fondamentale est « qui sommes nous ? » Et il complète : « Le qui sommes-nous est inséparable de « où sommes-nous ? », « d’où venons-nous ? » et « où allons-nous ? »

Michel Serres, philosophe, « L’assimilation, c’est la passivité, l’absence de participation à l’invention du nouveau. »

Charles Aznavour : « Je suis 100% français et 100% arménien. »

 

Le 08/03/2023                                                                                   Pierre Frackowiak

NB. Qui dit concours dit prix. Les gagnants auront la possibilité d’écrire leur propre kamien sans la moindre censure et sans attendre, dans ce blog. En toute liberté !

 

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Mémoire commémorative ou mémoire vive?

Mój kamień. Numéro 11 .

 

Mémoire commémorative ou mémoire vive ?

Dans un livre publié en 1995, « Les polonais du Nord ou la mémoire des corons » (Editions Autrement), Janine Ponty [1] pose la question :

« Alors, mémoire commémorative ou mémoire vive ? Faute de pouvoir solliciter la seconde si l’assimilation, au sens étymologique du terme, gagne les descendants d’immigrés polonais au point, dans un quart de siècle peut-être, d’effacer tout souvenir, la question sera évidemment tranchée. D’ici là continuons à privilégier les traces de vie. Et à y associer la jeunesse. Ainsi le concours  de « L’historien de demain », organisé chaque année par la direction des Archives de France et ouvert aux élèves de l’enseignement primaire et secondaire, portait en 1994 sur les immigrés en France. Ce sont trois jeunes du collège Langevin-Wallon de Grenay qui ont obtenu le premier prix dans leur catégorie en présentant un dossier sur « L’immigration polonaise à Grenay ». Résultante d’une initiative novatrice au sommet dans le choix du thème et de la balle saisie au bond par des enseignants du Pas-de-Calais persuadés que des adolescents allaient s’intéresser à la présence polonaise ans la région. Pari tenu. »

1995 / 2023, près de 30 ans se sont écoulés depuis que Janine Ponty s’est inquiétée, et l’assimilation, souhaitée ou espérée par certains, y compris dans les milieux polonisants, n’a pas eu lieu. La célébration du centenaire de l’immigration massive des Polonais en France a prouvé la vitalité de cette Polonia.

Ceux qui demeurent attachés à leurs racines s’en félicitent et saluent les réalisations, les productions, les spectacles, les expositions qui se sont multipliés à l’occasion de ces trois années, malgré les contraintes et les obstacles dus au Covid. La question du sens et la question du futur n’ont été, cependant, que rarement posées.

Accumuler des savoirs factuels, sauver les traces (monuments, espaces publics, archives[2]), décrire la vie de héros, célébrer et commémorer, entretenir les émotions avec la musique, la danse, les traditions, la cuisine de Babcia, etc, est important, mais il serait bon de se poser la question : « pour quoi et pour quoi faire ? ». Pour bien des acteurs de la Polonia vivante, les réponses sont évidentes, intelligentes, mais pour préparer un avenir pérenne, sortir de l’entre-soi inévitablement sclérosant, mettre son action en perspective par rapport à des valeurs et des finalités pour l’ensemble de la société, il faudrait, peut-être, s’élever encore.

Si les Michel, Sylviane, Simon, René, Gabriel, Edmond, Edouard, Patrick, Hania, Jacek, Jacques, Jean-Luc, Kalis, Richard, Virginie, Jean-Claude, et tant d’autres, pouvaient échanger, déjà sur un blog (pour débroussailler le terrain), puis se retrouver au congrès national[3] de la Polonia, pour se parler et parler aux autres, même ceux qu’ils n’aiment pas, nul doute que la réflexion nécessaire pour imaginer et porter un grand projet d’avenir ferait un grand pas en avant. Il n’y aurait pas de VIP, de HPI [4], mais que des femmes et des hommes de bonne volonté mobilisant leur intelligence au service de la Polonia. Ils peuvent le faire, tous !

La recherche collective du sens de notre action dans cette société en constante mutation, serait une garantie pour la construction de son futur.

Le 05/03/2023                                                                       Pierre Frackowiak

 

 

 

[1] Janine Ponty, née le 23 juillet 1930 à Paris, morte le 9 février 2017, est une historienne française, spécialiste de l'immigration polonaise et l'une des pionnières de l’histoire de l’immigration en France. Elle était membre du Conseil Scientifique du Centre Historique Minier de Lewarde.

[2] Archives. Le centenaire aura au moins provoqué un engouement pour les archives. Et c’est une très bonne chose, pas seulement pour les historiens, mais pour tous si des solutions sont trouvées pour qu’elles soient accessibles à tous. Outre les services des archives institutionnels ou culturels (Archives départementales, Archives du Monde du Travail, Archives du Centre Historique Minier. Archives de l’université), des acteurs de la Polonia se sont engagés dans la recherche et la récupération d’archives. J’ai salué dans un « kamien » précédent le Musée et encyclopédie numérisée de la Polonia créé par Michel Zerkowski

 

[3] Le 3 et le 4 novembre à Oignies, sur le site minier, à quelques km de Dourges et du carrefour autoroutier A 1 / 1 21

[4] VIP personnalités très importantes. HPI hauts potentiels intellectuels

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Le groupe centenaire de l'immigration. Facebook

Ce blog a pour objectif de mettre en valeur les actions concrètes réalisées pour l’avenir de la Polonia, en alternance avec des « kamienie », pierres pour l’édifice et/ou cailloux dans les jardins. Liberté. Démocratie. Ouverture…Mobilisation de la réflexion collective.

Avec son groupe, Hania Raczak a réalisé un travail considérable, qui connait une étonnante diffusion mondiale, et qui ne peut laisser personne indifférent. C’est une professeure des écoles, maternelle et élémentaire, classes d’intégration et d’adaptation, attachée à la transmission, la formation, la culture multi disciplinaire. Elle est artiste, auteure. L’un de  ses ouvrages, publié par NordAvril, un éditeur qui aura marqué la Polonia (voir le catalogue sur www://nordavril.com) porte un titre qui constitue tout un programme : « Racines et destin ».

Je la remercie d’avoir accepté d’écrire un témoignage pour ce blog.

P F

Témoignage : Hania Raczak

Je n’ai jamais connu les corons, les cités de Polonais, j’ignorais tout de Stéphane Kubiak et du bigos quand le Centenaire a commencé. J’ai grandi dans un quartier ouvrier à Louvroil près de Maubeuge dans une rue où vivaient une majorité de Maghrébins. Mes parents avaient oscillé du Nord à Carcassonne. Ma babcia Zosia cuisinait aussi bien les pierogi au fromage blanc que la ratatouille et le couscous. Cette mixité, je la porte encore. J’ai appris la tolérance et bien plus encore : la curiosité de l’autre.

Lorsque le Centenaire a pointé le bout de son nez, j’ai écrit un roman à deux voix, sur 100 ans d’écart en me disant que j’avais réalisé et terminé mon « action Centenaire ». Je me trompais, ce n’était que le début… Ce livre m’a fait découvrir la Polonia des Hauts de France, des artistes, des auteurs, des groupes folkloriques, des artisans, des restaurateurs, des associations également dans le Sud-Ouest ou sur St Etienne et surtout beaucoup de descendants. Les anonymes de la Polonia et leurs étincelles de polonité.

J’avais une image qui me revenait, celle de nos Anciens à Myslowice, réunis le temps d’un voyage. Ils étaient différents mais dans un même départ, un même mouvement. Pourquoi ne pas nous réunir en leur souvenir ? J’ai tapé à quelques portes avant de me lancer pour être certaine que personne ne pensait à un tel projet et j’ai imaginé un espace de communication le temps du Centenaire. J’ai ouvert un énorme champ des possibles dans le respect de l’autre : « du populaire à l’érudit » comme le disait si bien récemment Véronique, membre du groupe.

Le challenge pour moi, c’était de garder tous les membres jusqu’à la fin 2023. Je n’ai pas fait de miracle, notamment lors de l’invasion de l’Ukraine. J’ai écarté certains d’entre nous, quatre de mémoire. J’ai vécu chacun de ces blocages comme un échec personnel. 

Si je suis la seule administratrice, tout le monde connaît les trois autres mousquetaires qui m’accompagnent : Patrick Chlad, Michel Zerkowski et André Szczerba. Patrick est surnommé le górnik du web, il a déterré des centaines d’archives. Il a le regard que je ne peux pas avoir en tant qu’administratrice, un avis plus ironique et critique que j’écoute toujours lorsqu’il transparaît. On ne présente plus Michel qui a su mettre ses compétences informatiques pour créer le musée notrepolonia. Quant à André, il présente chaque jour une revue de presse détaillée . C’est également André qui a créé notre logo avec une belle inspiration.

Actuellement, le groupe est souvent comparé à un bar virtuel de la Polonia ( on a même vécu des apéros virtuels…  ) Je ne suis pas la patronne du bar, les murs ne m’appartiennent pas. Il y a les habitués qui viennent chaque soir, les rigolos qui mettent l’ambiance, les gens de passage, les étrangers qui parlent ou non français, certains sont des descendants de Polonais expulsés. On partage les actualités, on annonce les événements, on feuillette parfois un album de famille, on échange des recettes et des souvenirs. Comme dans les repas de famille, on évite de parler politique et religion …

J’essaie dès que possible de le rendre participatif, nous avons ainsi collecté des photos de mariages dans un premier temps pour réaliser un diaporama. Il figure en ligne ( 12 000 vues sur you tube à mon plus grand étonnement), un autre diaporama répertorie les objets de nos aïeux . Il y aura bientôt un autre projet autour de nos Anciens en uniformes et une galerie de photos « générations ». Le participatif, c’est également l’apport de musique des groupes actuels dont beaucoup adhèrent au partage.

Depuis quelques semaines, le groupe évolue avec davantage de retours sur les événements (un reporter sur place envoie des photos ou des vidéos pour les autres membres) et je vois passer des nouveautés : des petites annonces de covoiturage pour aller voir Stanis le Polak, des propositions de membres pour se retrouver sur un événement : le virtuel deviendrait-il réel ?

Je laisse les membres du groupe partager leurs ressentis en commentant cet article car je ne suis que la gérante du bar.

Le 02/03/2023                                                                                Hania Raczak

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2023, dernière chance pour garantir un avenir pérenne pour la Polonia

 

Mój kamień. Numéro 10 .

2023, dernière chance pour garantir le futur de la Polonia

Sans union, sans ouverture, rien ne pourra se faire

Le temps passe et l’on ne voit pas se dessiner clairement un avenir pérenne pour la Polonia. Personne n’en parle vraiment. La fin de la célébration du centenaire de l’immigration  massive des Polonais en France s’annonce, après 3 années intenses, malgré les difficultés liées au Covid. Banquets dansants, spectacles, concerts, expositions, cérémonies, évènements se sont succédé dans les Hauts de France et dans de nombreuses autres régions de France. Chacun a pu mesurer l’importance de l’attachement des descendants à leurs  racines. On aurait sans doute pu faire plus et mieux, notamment pour expliciter, objectiver, l’importance de l’apport de cette immigration dans l’économie française, dans la culture, dans la vie sociale, et pour bien mettre en évidence l’intérêt de la double culture.

Sans doute, y aura-t-il de nouveaux livres qui en parleront, de nouveaux banquets en chansons, de nouveaux spectacles, un nouveau Stanis le Polak pour aller au-delà de l’entre-soi, les deux nouveaux timbres pour lesquels Edouard Papalski et René Zalisz se battent inlassablement…

Sans doute, le site de Michel Zerkowski, évoqué dans ce blog, qui aura continué à accumuler des archives, écrits, photos, témoignages, qui aura incité des  étudiants à poursuivre les recherches, pourra donner des productions numériques utilisables directement par les associations et les services culturels des collectivités territoriales

Peut-être y aura-t-il un nouveau monument en hommage aux travailleurs, un autre pour les combattants et les résistants de la seconde guerre mondiale .

Peut-être y aura-t-il même un immense anneau de la mémoire à l’image de ce qui a été réalisé à Notre Dame de Lorette pour les combattants de 1914/1918, en exploitant toutes les possibilités offertes par le numérique

Tout cela est et sera formidable, émouvant, important…

Mais après ? Qui aura-t-il de vivant, d’animé, d’ouvert sur la réalité d’aujourd’hui, avec des possibilités  d’information et de réflexion, des offres de rencontres, de voyages, de découvertes ici et là-bas ?

Le projet de Centre Culturel de la Polonia de France, porté par le Collectif Polonia des Hauts de France, verra peut-être sa première pierre posée et son premier programme culturel  en préfiguration se réaliser. Si toutefois, et seulement si, la Polonia réussit à s’unir autour et pour un tel projet. Pour construire l’union, il ne suffit pas d’organiser des cérémonies commémoratives et des fêtes éphémères, il ne suffit pas de créer des organisations, des fédérations d’organisations, des structures administratives, des comités, des collectifs, des « machins », il faut se mettre d’accord sur la construction d’un projet durable, mobiliser toutes les forces, les compétences, l’argent…

La belle idée d’Edouard Papalski de créer un conseil consultatif des institutions polonaises (CRIP), à l’image de ce que les juifs ont réussi à faire [i] dès 1944, n’a pu se concrétiser.

La Maison de la Polonia a réalisé de belles choses avant de sombrer, sans doute victime d’erreurs, mais dont les acteurs ont accumulé une expérience qui mérite d’être prise en considération et respectée

Et, on le sait hélas, en cette fin de célébration du centenaire de l’immigration, le slogan, « razem » est resté lettre morte à ce jour, personne ne fait vraiment un pas vers l’autre.

Le problème, c’est qu’un tel projet inscrit dans le réseau des grandes entreprises culturelles,  exige l’union. Il ne peut pas être conçu, porté, rendu crédible, réalisable, par une toute petite équipe à Dourges[ii], aussi valeureuse et dynamique soit-elle, s’il n’obtient pas un accord de toutes les parties concernées, s’il ne prend pas en considération le travail d’archives numérisées de Michel, le facebook d’Hania, l’histoire de l’institut Saint Casimir de Vaudricourt et René, la somme des productions de l’éditeur NordAvril, et puis, plus tard, en les associant dès à présent sous des formes à définir, ceux et celles qui œuvrent pour l’avenir de la Polonia, en Normandie, en Saône et Loire, en Lorraine, en Dordogne, etc, et, enfin, s’il n’est pas soutenu par un comité d’experts appelés à devenir membres d’un conseil scientifique.

Dans un remarquable mémoire d’histoire écrit en 1994 (université de Lille 3), Christine Ruczkal,  reprenait ce cri d’alarme de Gabriel Garçon, historien fréquemment cité dans mes écrits, « Un danger réel réside dans le fait que chacun poursuit son action de son côté ». Dans le droit fil de ce constat, Christine Ruczkal concluait : «  les divergences semblent encore trop tenaces pour que la raison l’emporte et travaille au profit de la polonité » (de la Polonia dirait-on, aujourd’hui). C’était il y a 30 ans !!!

Face ou au-dessus de l’émiettement , de l’éparpillement, des faiblesses de tous ordres, il ne fait pas de doute qu’il faudrait une autorité reconnue, ayant une hauteur de vue et une certaine indépendance, une liberté d’action, pour entraîner et accompagner un ensemble allant de la mouvance catholique majoritaire, aux juifs, aux agnostiques, aux anticléricaux, et même aux témoins de Jehovah, me disait un ami. Le « penseur », « médiatisable » ou charismatique, devrait être soutenu par un groupe d’experts connus et reconnus, à la fois caution intellectuelle et morale. Sans un tel engagement, il n’y aura jamais de centre culturel de la Polonia de France vivant, animé, ouvert, comme je l’évoquerai dans un autre « kamien ».

L’année 2023, fin de la période de célébration du centenaire de l’immigration, sera la dernière chance de construire un projet d’avenir concret. Le congrès national prévu début novembre à Oignies, organisé par le Collectif Polonia des Hauts de France, pourrait dans cet esprit, être une occasion extraordinaire d’avancer [iii], dans le respect de nos ancêtres, avec une réelle volonté de construire un avenir commun…

En serons-nous capables ?

Le 27/02/2023                                                Pierre Frackowiak

 

 

[i] Le Conseil représentatif des institutions juives de France fédère, au sein d'une seule organisation représentative, différentes tendances politiques, sociales ou religieuses présentes dans la communauté juive de France.

[ii] Le CA du Collectif Polonia des Hauts de France comprend  8 membres, dont un seul  n’est pas  du secteur minier de Lens-Liévin-Carvin, Raymond qui est de Longueau

[iii] C’est, du moins,  mon avis personnel qui sera sans aucun doute l’objet de débats et de commentaires qui pourront être publiés sur ce blog ouvert et sans exclusive, facilement accessible et lisible.

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Des racines et des ailes pour la Polonia

 

Mój kamień

Mój kamień. Numéro 9 .

Des racines et des ailes pour la Polonia

Marie Sklodowska Curie a abondamment exprimé sa pensée, au-delà de ses travaux scientifiques. Philosophie de la vie, regards sur l’homme et sur la société, réflexions…

Elle a déclaré, par exemple, « On ne fait jamais attention à ce qui a été fait, on ne voit que ce qui reste à faire ». Quand on a lu un peu son histoire, on comprend bien que ce qui reste à faire est plus important que ce qui a été fait.

Cette pensée forte bouscule quelque peu nos autosatisfactions faciles, nos égos démesurés et nos fiertés immodestes Elle met à mal cette tendance, finalement naturelle, à nous donner une conscience tranquille quand nous avons fait « quelque chose ». Certes ce « quelque chose » est parfois beaucoup. Ce « quelque chose » a apporté à la société, a plu aux spectateurs,  a enchanté des partenaires, a laissé des traces indélébiles. Il n’est donc pas question de mépriser ou de négliger ce « quelque chose », surtout quand il représente toute une vie de dévouement, un réel talent partagé, un engagement au service des autres, une volonté de contribuer au bien commun.

Et pourtant, il faudrait être bien vaniteux pour être satisfait.

Dans la préface du livre de Janine Ponty, « Les Polonais du Nord ou la mémoire des corons », Pierre Milza et Emile Temine[i] alertent les lecteurs :

« Quand tout cela entre dans le passé, quand le parcours de l’immigrant est achevé, alors, et alors seulement, la mémoire collective peut se recomposer, proposer sa vérité, écarter ou mettre en exergue tel ou tel souvenir. Dans un sens, elle pérennise une prise de possession ancienne et dépassée. Elle propose une lecture nouvelle de l’évènement, qui peut même être une re-création, une refondation. Il importe à la fois de déconstruire et de prendre en compte cette mémoire vivante. Il ne faut cependant pas la confondre avec la mémoire officielle : édifier une stèle ou organiser une commémoration, cela a déjà une autre signification. Un monument commémoratif est toujours un monument aux morts… »

On n’a pas le droit de figer le passé et d’en faire un objet de culte. Il faut plutôt en tirer des leçons, refonder, pour construire l’avenir.

A peine le « quelque chose » est-il fait qu’il faudrait déjà penser à ce qui reste à faire, par soi-même avant de tourner la page, ou par les autres si l’on a su leur ouvrir des pistes et fabriquer des outils pour agir.

Un beau proverbe juif insiste : « On ne peut donner que deux choses aux enfants : des racines et des ailes ». Respectons et cultivons les racines, mais n’oublions pas les ailes ! Ce sont elles qui permettront de faire ce qui n’a pas été fait.

 


[i] Pierre Milza, historien français, professeur d’histoire contemporaine à l’IEP de Paris. Immigré italien de la 2ème génération. Il a raconté l’épopée des immigrés italiens qui ont reçu « un accueil aussi frais que les maghrébins actuels ». Emile Temine, historien. A créé, avec Pierre Milza, dans les années 90, une collection auprès de l’éditeur Autrement, consacrée à « l’histoire de la France comme une société façonnée par des immigrations d’origine multiple ». Son père était un juif kabyle, sa mère était basque.

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L'âme et la langue

Mój kamień

Mój kamień. Numéro 8 .

L’âme et la langue

Certes, il faut oser. Reprendre le vers de Lamartine « Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? », le transposer à des êtres vivants et qui plus est, à des polonais, peut paraître bien incongru.

Il a surgi quand, au cours d’un débat animé, un participant qui a séjourné dans plusieurs pays pour des raisons professionnelles, m’interrogeait sur la spécificité du peuple polonais. Directeur d’école, d’origine polonaise, français, il s’était intégré dans d’autres pays et ne se sentait ni français ni polonais, disait-il, mais citoyen du monde.

J’avoue que la question m’a perturbé, ce qui est une bonne chose, car cela prouve que le conférencier ne sait pas tout et que les réponses à des questions aussi importantes ne peuvent se trouver que dans l’écoute des autres et le dialogue, la mobilisation de l’intelligence collective.

Sommes-nous différents, avons-nous des particularités, en quoi peut-on se distinguer d’autres peuples ? Et pour aller plus loin, les descendants de polonais immigrés dans quasiment tous les pays du monde ont-ils conservé ces éventuelles spécificités et comment ? Et cela peut-il durer au fil des générations ? Comment ?

J’ai amorcé maladroitement une bribe de réponse en évoquant l’importance de la langue. C’est vrai que le maintien de la langue familiale au fil des générations est une garantie de continuité, de transmission, de partage, de sentiment d’appartenance. Malheureusement, parmi les descendants d’immigrés, de plus en plus nombreux sont ceux qui ne la parlent pas, même quand ils se considèrent encore, un peu, beaucoup, passionnément, polonais. La disparition des cours polonais hors temps scolaire, du polonais 2ème langue au lycée, les mariages mixtes, et la tendance, même chez des personnes attachées à leurs racines, à négliger la langue d’origine. La tendance commençait déjà avec la 3ème génération (la mienne). Edmond Gogolewski[1]  s’en inquiétait et avec d’autres collègues universitaires s’était mobilisé pour maintenir la langue polonaise au sein du système éducatif français. Combat perdu hélas. Aujourd’hui, avec le développement des échanges économiques, on peut le regretter. On rencontre aussi des jeunes de la 4ème et 5ème générations qui reprochent à leurs parents de ne pas avoir fait le nécessaire pour qu’ils apprennent la langue de leurs ancêtres.

Restent les initiatives des associations qui organisent des cours de polonais pour les enfants et pour les adultes. On ne peut que les encourager et les aider. Le projet de Centre Culturel de la Polonia de France ne manquera pas de se mobiliser sur cette question, espérons-le. Il faudra pourtant prendre en considération cette évidence que l’anglais se répand à grande vitesse, me semble-t-il, en Pologne [2]

La langue est un outil précieux  pour la communication, pour la pensée et peut-être pour l’âme ?

Le 21 février 2023.                                         Pierre Frackowiak

 

 

[1] « Les ouvriers polonais en France après la seconde guerre mondiale » Revue du Nord 1992

[2] Anecdote. Dans un grand restaurant de la banlieue de Zakopane, un français d’origine polonaise pose quelques questions sur la carte, discute un peu, tout fier de parler un peu le polonais. Le garçon : « Vous pourriez le dire en anglais ? »

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